Tous les élèves de 6ème des 8 collèges de l’Alliance Scolaire ont passé le test de fluence proposé par le vice-rectorat de Nouvelle-Calédonie. Ce test intitulé ELFE (Evaluation de la lecture en fluence) a été réalisé par le Laboratoire des sciences de l’Education de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble.  La fluence est définie dans le document comme : « la capacité à lire avec aisance, rapidement, sans erreurs et avec une intonation adaptée. C’est l’habileté à grouper les mots en unités syntaxiques de sens, à faire un usage rapide de la ponctuation,  à choisir les moments de pause et l’intonation pour donner tout son sens à un texte. ». 

A. Présentation du test

Les élèves ont été amenés à lire un texte ‘Le géant égoïste’. La passation est individuelle et dure une minute. L’enseignant (pas forcément un enseignant en français) donne la consigne suivante à l’élève : « Vous devez lire aussi vite que vous le pouvez. Vous avez une minute pour lire le texte. Au
bout d’une minute, je vous arrêterai. Avez-vous bien compris ? ». Comme pour toutes les évaluations permettant de jauger l’élèves, il ne faut surtout pas l’aider. Au bout d’une minute, on compte le nombre de mots lus moins les erreurs. C’est ce score mots lus-erreurs qui est indiqué comme score de l’élève.

Le test est donc très simple à administrer. Il permet de repérer les élèves lecteurs précaires et surtout de répartir les élèves en groupes de besoin, notamment dans le cadre de l’accompagnement personnalisé.

En 6e, la lecture est jugée comme déficitaire si le score est inférieur ou égal aux valeurs percentile 5 correspondant à la classe d’âge. Ainsi est considéré comme étant en retard, un élève ayant obtenu un score inférieur à 77 mots. Pour l’ensemble des élèves de l’ASEE, 78 élèves ont obtenu un score inférieur à ce nombre, soit 29,9 % de l’ensemble des élèves.

Dans un autre document de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) de janvier 2021, les résultats d’un échantillon de 29 000 élèves en métropole ont été compilés. Les rédacteurs du document ont cette fois-ci classé les élèves en 3 groupes :

  • Les élèves lisant moins de 90 mots (élèves en difficulté) | Rouge dans les schémas
  • Les élèves lisant entre 90 et 120 mots (élèves dont la maîtrise de la lecture est fragile) | Jaune dans les schémas
  • Les élèves lisant plus de 120 mots (élèves ayant une maîtrise satisfaisante de la lecture) | Vert dans les schémas

Nous avons repris ce classement en trois groupes dans le tableau suivant, vous pouvez également utiliser les filtres présents dans ce tableau afin de différencier les établissements de l’ASEE entre eux (filtre Intitulé), comparer les résultats des élèves ayant pour origine une école primaire du public ou de la DDEC, comparer les résultats entre garçons et filles des collèges de l’ASEE et ceux de métropoles… Les combinaisons sont infinies.

Pour plus de lisibilité, j’ai pris une population 100 pour les établissements de métropole (détail obtenu en cliquant sur la croix).

wdt_ID Intitulé Répère Groupement Elèves inf. à 90 mots Elèves 90 90-120 mots Elèves 90-120 sup. à 120 mots Elèves 120 Moyenne Repère
1 Garçons ASEE ASEE Groupe 142 57.0 81 30.3 43 12.7 18 87.8 120
2 Privé sous contrat National Groupe 100 9.4 9 25.9 26 64.7 65 133.6 120
3 Province Nord ASEE Groupe 80 51.3 41 28.8 23 20.0 16 92.5 120
4 Eben Eza ASEE Collèges 21 52.4 11 28.6 6 19.0 4 86.8 120
5 En retard ASEE ASEE Groupe 33 69.7 23 24.2 8 6.1 2 80.3 120
6 Groupe 4 National Groupe 100 13.8 14 32.2 32 54.1 54 124.3 120
7 CM2 ASEE ASEE Groupe 103 54.4 56 27.2 28 18.4 19 91.5 120
8 Hnaizianu ASEE Collèges 30 80.0 24 10.0 3 10.0 3 80.8 120
9 Dö Mwâ ASEE Collèges 15 73.3 11 20.0 3 6.7 1 76.0 120
10 Do Neva ASEE Collèges 9 66.7 6 22.2 2 11.1 1 79.6 120

C. Résultats globaux inquiétants

La moyenne de mots lus par nos élèves est 96 mots contre 123 mots pour l’échantillon des collèges de métropole, ce qui fait un différentiel de 27 mots. Plus inquiétants sont les pourcentages de lecteurs appartenant au groupe des lecteurs lisant moins de 90 mots : 15,4 % en métropole et 47,5 % pour nos établissements.

En comparant les collèges de l’ASEE et les établissements de l’échantillon représentant les collèges les plus en difficulté (collèges classés en zone REP+, réseau d’éducation prioritaire renforcé), le différentiel est encore important puisque seulement 30,7 % des élèves de ces établissements en très grande difficulté appartiennent au groupe des lecteurs lisant moins de 90 mots.

D. Résultats en fonction des écoles d’origine

Grâce à l’Application SIECLE, nous avons pu récupérer pour chaque élève, l’école d’origine et ainsi lever certaines ambiguïtés concernant le niveau théoriquement plus élevé ou plus faible des élèves provenant de la DDEC, de la FELP, du public ou des écoles de l’ASEE.

La moyenne la plus importante est obtenue par les élèves provenant du public, elle est de 101.9 mots (128 élèves). C’est plus de 10 mots de plus que les élèves de l’ASEE (103 élèves). Pour les bons lecteurs, le public obtient un pourcentage bien plus élevé avec 28,9 % d’élèves lisant plus de 120 mots en moyenne ; contre seulement 18.4 % pour l’ASEE dans ce groupe. Le chiffre inquiétant pour l’ASEE est le chiffre des élèves obtenant un score inférieur à 90 mots : 54,4 % d’élèves. C’est parmi les élèves venant des structures publiques que l’on trouve le pourcentage le plus faible d’élèves obtenant les résultats les plus faibles (40,6 %). Des chiffres cependant très mauvais en comparaison de l’ensemble des établissements de métropole (15.4 %). Ce groupe n’atteint que les 30 % pour les établissements en REP+.

E. Résultats entre régions et collèges

Les différences entre élèves des deux Provinces (Îles et Nord) sont peu significatives malgré un léger avantage pour les élèves des Îles concernant la moyenne des mots lus : 97,4 mots pour la Province des Îles contre 92,5 mots pour les élèves du Nord.

Par contre, les différences sont importantes entre les différents collèges de l’ASEE. Le collège de Taremen (Maré) arrive en tête avec une moyenne de 110,2 mots alors que le collège de Dö Mwâ et celui de Do Neva émargent en queue de peloton avec respectivement 76 et 79,6 mots lus en moyenne. Si l’on compare ce tableau au résultats des écrits du dernier brevet blanc, on s’aperçoit que la correspondance entre ces résultats aux tests de fluence et les résultats obtenus en fin de 3e n’est pas respectée. Encore une fois, il est important de rappeler que le respect des consignes de passation est primordial. Nous attendrons une ou deux années de passation de ce test de fluence pour confirmer ou infirmer les tendances constatées cette année. En effet, le collège de Taremen ayant obtenu la meilleure moyenne à ces tests de fluence a obtenu une moyenne de 8,8/20 au brevet 2020 contre 12,1/20 pour Havila qui ne se classe que 3ème dans ces tests de fluence. Inversement, Hnaizianu obtient une faible moyenne de 80,8 mots au test de fluence contre une moyenne de 9,6/20 aux écrits du brevet 2020. Pour rappel, Taremen était le collège qui avait obtenu les scores les plus faibles dans les tests de positionnement de français en 2020. C’est la répétition de la compilation de ces tests de fluence qui permettra de confirmer certaines tendances.

F. Les filles bien plus en avance que les garçons

En métropole les filles obtiennent une moyenne plus élevée que les garçons (127,1 mots contre 118,5), cette différence est encore plus élevée entre filles et garçons des classes de 6e de l’ASEE (105,6 mots contre 87,8 mots), une différence de 10 mots en métropole contre une différence de 17 mots dans l’ASEE. Cela se confirme dans tous les établissements à quelques rares exceptions. Il y a dix ans, le constat était similaire pour les tests de 6e sur le Territoire. Mais il semble que cette différence s’accentue car le différentiel était moindre il y a dix ans.

E. Pistes de réflexion

Comme le prouvent ces résultats, les élèves que nous accueillons connaissent des difficultés importantes en lecture. La comparaison avec les résultats de l’échantillon représentatif de 29 000 élèves en métropole propose un croisement des groupes, en effet, alors que le groupe des élèves lisant plus de 120 mots est de 53,4 % en métropole, il est de seulement 22,6 % dans les collèges de l’ASEE. Inversement, l’ASEE scolarise 47,5 % d’élèves qui lisent moins de 90 mots dont 29,9 % sous la barre des 77 mots, indice des lecteurs en grande difficulté.

Evidemment, les élèves appartenant à ce dernier groupe ont du mal à déchiffrer des énoncés simples dans toutes les matières qui leur sont proposées au collège. Comme le montre le tableau, les établissements obtenant les résultats les plus faibles sont également ceux qui obtiennent des résultats faibles aux évaluations mises en ligne par le service psychopédagogique (brevets blancs notamment).

En métropole, des chiffres aussi alarmants déclenchent dans le secteur public un classement en zone REP+ qui s’accompagne de moyens supplémentaires. Cela se traduit notamment par des primes pour les enseignants volontaires voulant travailler dans ces établissements qui cumulent les handicaps, notamment dans la composition socio-professionnelle de la parentèle.  En métropole, la différence entre entre les 20 % de collèges les plus favorisés et les 20 % les plus défavorisés est également criante : une moyenne de 137,3 mots (avec 68,4 % des élèves lisant plus de 120 mots) contre 111,1 mots (et 40,2 % ). Inverser ce déterminisme social est très difficile et les moyens mobilisés par l’Education nationale n’ont pas encore permis de résorber ces différences.

Nous conseillons bien sûr une prise en charge par notre maîtres ASH des élèves les plus en difficulté et la multiplication des heures d’accompagnement personnalisé dédiées à la lecture. L’outil TACIT est également à conseiller car il permet une véritable pédagogie différenciée, le logiciel s’adaptant au niveau de l’élève. Les séances tutorées -avec notamment la projection d’un exercice de lecture à l’ensemble des élèves faibles est conseillée ; ces séances tutorées permettent alors d’échanger sur les hypothèses de lecture. Il faut également renforcer la lecture cursive et proposer aux élèves un CDI fourni et adapté au niveau des élèves accueillis dans l’établissement.

Dans le prochain article publié sur ce site, nous vous proposerons une analyse des tests sur l’innumérisme. Il sera ainsi très intéressant de vérifier s’il existe une corrélation forte entre les résultats obtenus en mathématiques et ceux obtenus dans ce test de fluence.

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